Nous attendions avec impatience la décision finale au sujet de la LGV qui est la petite sœur de Bordeaux-Toulouse à savoir Limoges-Poitiers. Nous la souhaitions avant la fin de notre EUP. Elle devait intervenir avant le 12 janvier. L'article du Monde ci-dessous fait donc l'effet d'une bombe. La mort de Limoges-Poitiers est la meilleure nouvelle qui pouvait nous parvenir par rapport au cas de Bordeaux-Toulouse. A suivre mais franchement si ça se confirme c'est la consécration de nos luttes. J-P Damaggio
Le Monde
On ne construit plus impunément les lignes à grande vitesse… Alors que quatre LGV sont actuellement en construction, plusieurs projets sont encore dans les cartons. Mais, cette fois, les imposer sera bien plus difficile pour les pouvoirs publics. Selon la lettre spécialisée Mobilettre, le conseil d’État refuse d’autoriser une nouvelle ligne à grande vitesse reliant Poitiers à Limoges.
Les conseillers d’Etat ne veulent pas cautionner la déclaration d’utilité publique de cette nouvelle ligne, qui doit être prise par décret au plus tard le 12 janvier, soit dix-huit mois après la fin de l’enquête publique qui avait pourtant donné un avis positif. Ils mettent en cause la rentabilité socio-économique du projet, qui serait « désastreuse », selon Mobilettre.
L’État peut toujours publier le décret d’utilité publique, mais le texte sera cassé dans un second temps par le Conseil d’Etat. Cette LGV Poitiers-Limoges est particulièrement importante pour François Hollande et Jacques Chirac, et leur fief de Corrèze. Mais elle ne devrait pas voir le jour. Un projet alternatif, qui passerait par la modernisation de la voie Poitiers-Orléans-Limoges-Toulouse, serait bien plus abordable pour les finances publiques.
Surestimation de trafic sur les lignes
C’est que les lignes à grande vitesse ne sont pas aujourd’hui rentables. Et les dernières en cours de développement bien moins que les premières créées dans les années 1980. « Aucune LGV n’est aujourd’hui rentable en soi. Certaines lignes sont plus rentables au niveau opérationnel, mais si on prend le coût des travaux puis de maintenance, rien n’est rentable », confiait récemment un spécialiste.
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Cette décision du Conseil d’État prend ainsi acte du rapport de la Cour des comptes publié le 23 octobre sur les lignes TGV. Dans cet épais rapport, les magistrats financiers rappelaient qu’aucune des six liaisons TGV examinées par la Cour n’a atteint ses objectifs de rentabilité. La rentabilité de la ligne LGV Nord serait de 3 % au lieu des 12,9 % envisagés initialement et celle de la LGV Méditerranée serait de 4,1 %, un niveau deux fois inférieur aux attentes. Ces écarts proviennent de surestimations de trafic sur ces lignes. Pour la portion Poitiers-Limoges, RFF (Réseau ferré de France) aurait ainsi exagéré de manière significative le nombre de passagers potentiels.
Philippe Jacqué
L'article de Mobilettre
C’est un coup de tonnerre à l’Elysée: quelques semaines après que le chef de l’Etat a réitéré son soutien aux élus du Limousin en faveur de la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges, le conseil d’Etat, selon nos informations, vient de dire au gouvernement qu’il rejette le projet sur le fond, dans une note par nature confidentielle. Ce rejet de la DUP (déclaration d’utilité publique) embarrasse au plus haut point.
Certes, elle valide une évidence admise par une grande majorité d’experts: la rentabilité socio-économique de Poitiers-Limoges est désastreuse. Elle correspond aussi à une nouvelle philosophie en matière de grands projets, formalisée en juillet 2013 par la commission 21 de Philippe Duron, qui ralentissait considérablement l’équipement du pays en lignes à grande vitesse. «Déclencher la construction de quatre LGV en même temps a été une erreur», a d’ailleurs déclaré le Premier ministre Manuel Valls vendredi dernier, en clôture de la conférence environnementale.
Le problème, c’est que l’analyse du conseil d’Etat contrarie les grands desseins présidentiels d’une meilleure desserte du centre de la France, et de la Corrèze en particulier…
Pire, le calendrier est terrible pour François Hollande. Si un décret n’est pas pris avant le 12 janvier prochain, soit 18 mois après la fin de l’enquête publique (qui s’était soldée par un avis positif), la DUP sera impossible. Mais le 12 janvier, c’est quelques jours avant la présentation des vœux du président de la République aux Corréziens… Que faire? Imposer le décret de DUP tout en sachant qu’il serait cassé plus tard? Cela éviterait tout juste d’affronter les quolibets et les critiques. Ou bien prendre son courage à deux mains, acter tout de suite l’évidence, et concentrer tous les efforts pour la présentation d’une solution plus raisonnable, à savoir, probablement, la modernisation du fameux POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse)?
Car la renaissance du POLT correspond bien à la volonté de faire émerger une troisième voie ferroviaire, entre les TGV rapides et coûteux et les TER régionaux et très subventionnés. La mission récemment installée par Alain Vidalies, et présidée par Philippe Duron, pour réfléchir à l’avenir des TET, pourrait donc relancer la ligne, en s’appuyant sur des chiffres positifs: le liaison Paris-Limoges est la seule franchement bénéficiaire parmi les lignes TET, avec des taux de remplissage supérieurs à 90%! Moyennant quelques travaux peu coûteux, voire l’équipement en matériel pendulaire, les temps de parcours pourraient être réduits; ils n’atteindraient pas ceux de la grande vitesse, mais rendraient service à bien davantage de territoires que la seule Poitiers-Limoges…
Ce dossier explosif révèle bien des fractures au sein de la classe politique, entre les tenants d’une politique volontariste d’infrastructures, quels qu’en soient les coûts ou presque, et les partisans d’une priorité à la modernisation de l’existant et aux projets matures. Comment choisir? Poitiers-Limoges, c’est la ligne Chirac-Hollande, avec de très forts relents de clientélisme électoral. Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, c’est moins vendeur pour les élus, mais beaucoup moins cher pour la collectivité… Le président de la République rechignerait-il, d’ordinaire, à trancher? Sur ce dossier-là, il n’aura guère le loisir d’hésiter. Car le 12 janvier, c’est déjà demain.