Les lecteurs de ce blog n'apprendront pas grand chose sur le sujet mais puisqu'il est relayé par la Vie du Rail... Jean Paul Damaggio
La vie du Rail 29 mai 2015
Temps agités pour la future LGV Sud Europe Atlantique. Les péages sont jugés trop élevés par la SNCF. De leur côté les collectivités, qui s'étaient engagées à mettre la main à la poche, gèlent les unes après les autres leur financement, refusant un nombre de dessertes plus réduit que ce qu'elles attendaient.
Casse-tête. D'un côté, une nouvelle infrastructure (Tours-Bordeaux) réalisée par un concessionnaire privé. De l'autre, un transporteur qui rechigne à faire circuler des TGV sur une ligne qui lui coûtera trop cher en frais de péages. Invitées dans ce face-à-face, des collectivités locales à qui l'État a demandé de participer financièrement en échange de dessertes. Sauf que la convention de garantie de dessertes signée en 2010 par les collectivités, s'est faite sur le dos de la SNCF. Ambiance Alors que le compte à rebours a commencé — la grille des dessertes doit être établie pour juin —, les acteurs en présence n'arrivent toujours pas à s'entendre, La SNCF présente ses calculs : selon elle, la hausse du trafic prévue (+12 %) sur la LGV SEA (Sud Europe Atlantique), qui doit mettre Bordeaux à deux heures de Paris en 2017, ne suffira pas à payer la hausse du prix de l'infrastructure (les péages de Lisea seraient au moins deux fois plus élevés que ceux pratiqués habituellement). Conséquence, l'exploitation de cette ligne pourrait coûter au groupe SNCF jusqu'à 150 millions d'euros annuels. Du jamais vu. De plus, selon Rachel Picard, la nouvelle patronne de Voyages SNCF, il est prévu dans le contrat du concessionnaire que celui-ci aura la possibilité chaque année d'augmenter fortement ses prix (même si les hausses restent plafonnées). « Nous essayons de proposer la desserte la plus ajustée possible », assure Rachel Picard qui demande de faire confiance à la SNCF, la mieux à même d'appréhender le marché.
Une desserte ajustée, qui profiterait de l'atout des TGV (gagner du temps, donc limiter les arrêts), ne va pas dans le sens de l'intérêt des collectivités qui ont mis la main à la poche, en espérant, juste retour des choses, une meilleure desserte de leurs territoires.
Un collectif d'élus de Gironde, Dordogne et Charente dénonce un « diktat » de la SNCF sur les prévisions de dessertes : dans certains cas, elles auraient été divisées par deux. Les élus s'estiment « floués par le non-respect de la parole de l'État » et le somment de « devenir acteur » et de proposer « un meilleur équilibre ».
En attendant, les unes après les autres, les collectivités annoncent le gel de leurs financements. Jacques Rapoport, le PDG de SNCF Réseau, estime à environ un milliard d'euros le montant de la créance sur cette LGV. « Celles situées au nord de Bordeaux attendent des dessertes alors que la SNCF en annonce moins que ce qu'elles escomptaient. Celles situées au sud attendent le prolongement avec le projet GPSO », commente-t-il. Or, fin mars, la commission d’enquête publique sur les projets de ligne prolongeant Bordeaux vers Toulouse et vers Dax a rendu un avis négatif, mettant en cause leurs coûts et leurs insuffisantes rentabilités. Pour trouver une solution, Guillaume Pepy, le président de la SNCF, a demandé une médiation à l'ancien ministre du Travail de François Mitterrand, Jean Auroux qui fait le tour des collectivités concernées. La SNCF mène aussi des discussions avec Lisea pour trouver un compromis. Des mauvaises langues disent que le chantier Tours-Bordeaux avance bien, tellement bien que Lisea pourrait réaliser de bonnes marges sur les travaux. D'autant que le montant des fonds propres apportés par la société privée sont modestes (8 % environ sur les 8,7 milliards d'euros de travaux) et ses emprunts garantis par l'État et SNCF Réseau. De là à établir un parallèle avec l'affaire TP Ferro, la concession franco-espagnole qui peine à attirer du trafic, il n'y a qu'un pas. Dans le cas de Tours-Bordeaux, quelle que soit l'issue, le privé devrait bien s'en tirer. Les contrats signés sous la vigilance des juristes sont blindés. Alors, SNCF Réseau, prié d'apporter les fonds en attendant une solution, emprunte. Le système ferroviaire n'est plus à quelques milliards près...
Marie-Hélène POINGT
La Vie du Rail 29 mai 2015• page 15