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Elisabeth Borne sur le Monde

Carole Delga aura noté qu'Elisabeth Borne reprend son idée d'une écotaxe régionale. Mais elle aura aussi noté qu'elle reprend des observations de bon sens des opposants : "Il y a un cercle vicieux : les péages augmentent, SNCF monte le prix de ses billets, il y a moins de voyageurs dans les trains. on arrive au paradoxe d'un réseau à grande vitesse qui s'étend et sur lequel, à la fin, il y a de moins en moins de TGV qui circulent."

Et ce n'est pas le seul point qui remet en cause le tout LGV mais bon on attend les décisions. J-P Damaggio

 

Entretien avec Elisabeth Borne

Le Monde 16 Novembre

Ministre chargée des transports, Elisabeth Borne pilote depuis septembre les Assises de la mobilité, vaste opération de concertation qui débouchera sur une loi d’orientation début 2018. Invitée du Club de l’économie du « Monde », elle réalise un point d’étape.
 

 

Les transports du quotidien

«Les 35 réunions des Assises de la mobilité, qui ont déjà eu lieu, confortent une de mes convictions fortes : les Français attendent d'abord qu'on s'occupe des transports de la vie quotidienne. Les transports de ceux qui habitent dans des territoires encore enclavés. De ceux qui, dans la périphérie des grandes villes, mettent une heure et demie pour aller au travail. Le réseau ferroviaire en province n'a pas été modernisé. Imaginez un instant la région parisienne sans les RER... Cette carence dans l'offre de transport, c'est ce que les gens vivent dans beaucoup de villes hors Ile-de-France. Un Français sur quatre a refusé une offre d'emploi ou de formation parce qu'il n'avait pas de moyens pour s'y rendre. Ce n'est pas acceptable. Des solutions nouvelles se développent, comme le covoiturage domicile-travail, le vélo à assistance électrique ou le véhicule autonome. La France a la spécificité de positionner le véhicule autonome comme une nouvelle solution de mobilité collective, qui peut apporter une réponse dans les territoires où aujourd'hui n'a pas d'alternative à la possession d'une, voire de deux voitures.

 

L'avenir des grands projets

Ce n'est pas par plaisir que nous faisons une pause dans les grands programmes d'infrastructure. Nous avons décrété ce moratoire parce que nous devons faire face à des impasses financières. Sur le quinquennat, les promesses excèdent de 10 milliards d'euros les ressources. Pour le seul mode ferroviaire, 36 milliards d'euros de nouvelles lignes ont été promis un peu partout en France.

Tout cet argent est dépensé pour des transports de longue distance qui représentent moins de 1% des déplacements des Français. Agir de la sorte revient à instaurer un réseau de transport à deux vitesses. ce qui peut déboucher sur une France à deux vitesses. Au moment où la nation inaugure, cette année, trois lignes de TGV, nous avons aussi plus de 5300 kilomètres de ralentissements sur notre réseau ferré pour cause de vétusté.

Je dis souvent à nos ingénieurs: actualisez votre logiciel. Vous n'êtes pas obligés de répondre à tout problème sur une route nationale par la construction d'une autoroute ; -: à tout problème sur une voie ferrée, par la création d'une nouvelle ligne. On me parle de voies saturées à des endroits où passe un train tous les quarts d'heure ou de gares saturées parce qu'il faut quarante-cinq minutes pour retrouver chaque train alors que les Suisses y parviennent en quinze minutes."

 

Le financement des transports

Qu'on ne s'y trompe pas, la pause n'est pas due à un manque d'argent. Le budget de l'Agence de financement des infrastructure qui porte le budget d'investissement de mon ministère est en augmentation de 10 % en 2018. passant de 2,2 milliards à 2.4 milliards. Il ne s'agit pas d'investir moins. mais d'investir mieux pour des territoires qui attendent depuis des décennies des conditions décentes de déplacement.

Je me suis rendue, par exemple. à Aurillac C'est assez frappant. Je suis parfois face à des élus qui réclament des projets 10 milliards d'euros. A Aurillac les habitants ne demandent même pas une route deux fois deux voies. Ils en ont simplement assez de mettre une heure et demie pour rejoindre l'autoroute la plus proche. Donc nous n'allons pas investir moins, mais mieux investir."

 

Le retour de l'éco taxe

"Il faudra des nouvelles sources de financement. Pas question d'ajouter un épisode supplémentaire dans le feuilleton de l'éco-taxe mais de nombreuses régions sont volontaires pour trouver une façon de faire payer les poids lourds, notamment ceux qui sont en transit en Occitanie, Alsace ou en Nouvelle Aquitain, vous voyez des files de poids lourds qui ont fait le plein chez nos voisins, qui évitent les taxes des portiques allemands, et donc qui ne participent pas du tout au financement des infrastructures."

 

Les difficulté de la SNCF

La SBCF fait face à des défis considérables. Elle affiche un endettement très important : 45 milliards d'euros qui augmentent de 3 milliards tous les ans. Son modèle TGV est fragilisée : les voyageurs trouvent les billets très chers et, en même temps 70 % des dessertes sont déficitaires. Le fret ferroviaire a vu son trafic baisser d'un tiers en quinze ans.

Le gouvernement a fait le choix d'une approche globale de ces sujets. Par le passé, le pays a manqué d'une vision stratégique de l'Etat qui va devoir arrêter de faire peser des injonctions contradictoires sur l'entreprise. C'est la mission qui a été confiée à Jean-Cyril Spinetta, avec trois questions à résoudre.

Premièrement. quelle place voulons nous donner au ferroviaire dans les transports? Les compagnies aériens low cost, le covoiturage, les cars Macro modifient peut-être le champ de pertinence du rail

Deuxième sujet : comment remettre le modèle économique du ferroviaire sur ses pieds ? En tant que ministre transports. je ne peux pas me satisfaire de la solution actuelle consistant à augmenter mécaniquement les péages sur les lignes à grande vitesse Il y a un cercle vicieux : les péages augmentent, SNCF monte le prix de ses billets, il y a moins de voyageurs dans les trains. on arrive au paradoxe d'un réseau à grande vitesse qui s'étend et sur lequel, à la fin, il y a de moins en moins de TGV qui circulent.

Et puis le troisième point. qui est un défi aussi important, c'est l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, d'ici fin 2020 pour les TGV et au plus tard en 2023 pour les TER. Com     ment prépare-t-on une ouverture à la concurrence réussie pour tous, pour les voyageurs, pour les autorités organisatrices et pour les cheminots ?"

propos recueillis par Philippe Escande et Eric Séziat

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