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Un article de Charlie de ce jour

SNCF, vie et, surtout, mort d'un service public

JACQUES LITTAUER

La presse n'a cessé de le braire la semaine dernière : youpi! les tarifs de la SNCF baissent. Tralala, ils deviennent enfin compréhensibles. La Société nationale des chemins de fer français a en effet pris des mesures de bon sens, comme le fait qu'il ne sera désormais plus possible qu'un billet 1ère  soit moins cher qu'un billet de 2ème . De même, le nombre de cartes de réduction est passé de quatre à une, vendue 49 euros pour l'année. Enfin, les frais liés aux échanges de billet seront, normalement, supprimés.

Mais les crânes d'œuf qui ont cogité sur le nouveau bidule ont réussi à pondre un forfait annuel spécial télétravail, avec certes une forte réduction (40 %), mais valable uniquement du lundi au jeudi. Oui, oui. Alors que tout le monde bosse à toutes les heures, que le travail du dimanche a été généralisé en douce « grâce » au virus du capitalisme, que les commerces sont bondés le samedi, avec des salariés dedans, hein, pas que des clients, les génies de la compagnie nationale réservent leur tarif réduit aux seuls lundi, mardi, mercredi et jeudi, démerdez-vous avec ça, les amis !

Même chose avec la nouvelle carte de réduction. Elle permet certes des baisses de tarif importantes (30 % pour deux adultes, 60 % pour les enfants). Mais là aussi, les cerveaux malades des chemins de fer imposent une contrainte absurde : les réductions pour les enfants sont limitées à trois bambins. Mais, euh, à quoi ça sert, ce truc? Combien de familles cela concerne-t-il ? Et quelle va être leur réaction, à votre avis, quand elles vont apprendre que Timothée coûte plus cher que Maxence, Camille et Anne-Sophie ? Même chose encore avec les plus de 60 ans : une carte à 79 euros par mois, avec trajets illimités. Mais les vieilles et les vieux sont priés de rester chez eux les week-ends et les jours fériés, moments où ils se déplacent pour aller voir Timothée. Et ils n'auront accès qu'aux trains choisis par la SNCF, ceux qui sont vides en semaine.

Et pourquoi tout ça? Parce que le modèle de la SNCF, ce sont les cadres. Les satanés TGV, la fermeture des lignes secondaires, tout, absolument tout ce merdier découle de ce que la SNCF ne s’intéresse qu’à un seul client : le cadre-stressé-pressé-angoissé qui paye cher son billet car il doit arriver vite, vite, vite, et surtout parce que ce n'est pas lui qui paye. Ce n'est pas sa boîte non plus, hein, même s'il le croit. C'est nous, braves clients, quand nous allons à Carrefour, avons un compte à la Société générale ou mangeons des yaourts Danone. Aucune entreprise ne paye jamais rien. C'est toujours le client, le consommateur.

C'est pour cela que la SNCF avait adopté la sinistre «tarification au rendement », en anglais yield management. Et voilà-ti-pas des prix délirants qui changent tout le temps, des heures passées à essayer de dénicher un tarif pas trop aberrant... Résultat : non seulement, dès que l'on est deux, la voiture est moins chère que le train, mais le covoiturage ou les cars Macron, qui vous font traverser la France pour moins de 10 euros, ont des coûts dérisoires comparés aux billets de TER qui, pesant des tonnes et consommant énormément d'énergie lorsqu'ils sont très peu remplis, sont aussi polluants par passager transporté.

C'est parce qu'elle a voulu suivre la société de consommation, l'expansion du privé, des échanges, que la SNCF est devenue la très laide chose actuelle, visible jusque dans les noms pathétiques attribués à ses trains. D'ailleurs, savez-vous quel nom a choisi la nouvelle compagnie privée de trains à grande vitesse qui va desservir, dans les années à venir, Arcachon, Bordeaux, Angoulême et Poitiers, abandonnés par les polytechniciens de la SNCF? Le Train. C'était quoi, il y a quelques années, le slogan de la SNCF? «À nous de vous faire préférer le train». On y va tout droit, les amis, toutes mes félicitations.

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