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Victor Pachon : « Nous sommes à la fin du modèle TGV »
Par Propos recueillis par Jean-Bernard Gilles
Publié le 10/12/2010 à 18h44.
Alors que se tient aujourd'hui samedi à Bayonne une manifestation contre le projet de ligne nouvelle à grande vitesse, Victor Pachon, un des leaders de la contestation explique pourquoi, selon lui, ce projet est inutile et trop coûteux.
Pourquoi manifestez vous aujourd’hui à Bayonne ?
Nous protestons contre un projet ruineux et inutile. Nus avons calculé qu’il allait coûter environ 5000 euros par foyer fiscal au Pays Basque, que l’on soit riverain ou non de la ligne, compte tenu des emprunts que vont devoir faire les collectivités locales . Les études existantes montrent que nous avons la capacité avec des aménagements mineurs à accueillir les trafics affichés par Réseau ferré de France qui sont surévalués.
Vous contestez les estimations de trafic de Réseau ferré de France ?
Oui énormément. C’est une étude diligentée par la commission du débat public qui le dit. Le bureau d’études suisse qu’elle a mandaté dit que les chiffres du frêt avancés sont trop optimistes et doivent être revus à la baisse. C’est fondamental car ce sont eux qui justifient la création d’une ligne nouvelle pour RFF. Pour arriver au chiffre de 13 millions de tonnes de marchandises transitant par Hendaye en 2020, ce qui implique un trafic de 20 millions de tonnes à Bordeaux, il faudrait être fin 2010 à 8 millions de tonnes. Alors que nous enregistrons le trafic est au plus bas depuis 30 ans, soit 1,6 millions de tonnes.
La ligne nouvelle ne serait donc pas nécessaire ?
Nous maintenons que pour le Pays Basque, mais c’est aussi vrai ailleurs au sud ou au sud est de Bordeaux, il y a la place pour le frêt , les TER et les trains à grande vitesse sur la même voie. Pour Hendaye Bayonne, nous avons 264 trains de capacités quotidienne et nous accueillons une cinquantaine de trains aujourd’hui. Même à dix millions de tonnes de frêt soit 5 fois plus qu’aujourd’hui, les lignes existantes répondent aux besoins.
La grande vitesse ferroviaire irrigue toute la France. Pourquoi, au fond, devrait-elle s'arrêter à Bordeaux ?
La grande vitesse ferroviaire est morte aujourd’hui. Nous sommes à la fin du modèle TGV. En terme d’aménagement du territoire la grande vitesse est une aberration. Elle va favoriser les grandes métropoles européennes et affaiblir le reste du territoire. Voyez le gigantisme de l’Opération d’intérêt national Euratlantique et son projet 30.000 êtres carrés de bureaux par an pendant 15 ans et la nouvelle ambition métropolitaine bordelaise d’un million d’habitants. Il n’y aura pas de magie. Les populations et les emplois de Bayonne, de Mont de Marsan, de Dax, d’Agen ou d’Angoulême vont être aspirés demain par la métropole bordelaise. Même Toulouse est aujourd’hui inquiète de l’essor bordelais. C’est pourquoi Martin Malvy met autant de conditions à son engagement financier. Le défaut majeur du modèle TGV est qu’il assèche le territoire autour des métropoles. Parfois même les métropoles ne sont pas gagnantes avec la grande vitesse comme Reims, aujourd’hui desservie, et qui rencontre que peu de succès économique. Les lignes à grande vitesse sont de surcroît plus coûteuses à entretenir que les lignes classiques tout en accueillent moins de trains. Elles sont donc moins performantes alors que les investissements initiaux sont colossaux.
Un récent sondage, commandé par Réseau Ferré de France, indique que 89 % des habitants du Sud Ouest sont favorables au TGV au delà de Bordeaux. Ne craignez vous pas d’être minoritaire tandis que la majorité silencieuse de la population espère le TGV comme un élément de modernité ?
Seules 809 personnes, inscrites de surcroît, ont répondu à ce questionnaire tandis que deux sondés sur trois disent ne pas connaître les grands projets ferroviaires du Sud Ouest (GPSO). Une sur deux pense d’ailleurs encore qu’il s’agit d’amener la grande vitesse sur les lignes existantes. La bataille de l’opinion est loin d’être jouée. Nous avons manifesté à plusieurs reprises contre ce projet. Nous étions 15.000 à Hendaye. Nous n’avons qu’une planète. Les opposants ne sont pas des hurluberlus mais des gens qui veulent que l’on on économise réellement le potentiel de notre planète. Les suédois ont fait le choix du train pendulaire sur la ligne existante Stockholm Göteborg. Ils captent 50% de part de marché. On a choisi en France de sacrifier des milliers de kilomètres de réseau, des centaines de gares pour le TGV. Le réseau existant a été sacrifié parce que Réseau Ferré de France n’a plus les moyens de l’entretenir avec ses 29 milliards d’euros de dette. La modernité n’est pas forcément la course en avant.
Pourquoi refusez vous l’installation des totems d’information de Réseau Ferré de France dans les mairies du Pays Basque à l’exception de Bayonne et d’Arcangues ?
Ils sont un tissu de mensonge. On ne va pas offrir une vitrine à ceux qui nous mentent. Sur notre site internet nous mentionnons les résultats des études de RFF. Jamais les nôtres ne figurent sur la communication officielle. Nous avons organisé 14 consultations, sous isoloir mais hors de mairies, en marge d’élections officielles en 2007, 2008 et 2009. A plus de 90 % les populations qui se sont exprimées sont opposées à la ligne nouvelle. Nous le savons.
Vous ne vous faites pas le relais d’un certain lobby influent de propriétaires de résidence secondaires concernées par le tracé possible entre Bayonne et Hendaye ?
C’est ce que disent nos ennemis. Nous étions couchés le 6 février dernier que les quais de la gare de Bayonne avec nos collègues cheminots CGT pour défendre les wagons isolés. Il y a des résidences secondaires sur le tracé, c’est vrai. Mais il y a des gens qui ont investi toute leur vie ici après avoir travaillé à la Poste ou des jeunes qui ses sont endettés pour 30 ans et qui risquent de voir leur projet de vie anéanti. Il ne s’agit pas que d’une opposition de riches, loin de là.
Le fond de cette affaire n’est elle pas que le pays basque ses situe sur une ligne Bruxelles Madrid et que la France est engagée par cette liaison européenne à grande vitesse ?
La SNCF a très bien dit lors du débat public qu’il y avait deux logiques. Soit on privilégie l’axe européen à grande vitesse et il n’y a alors aucune raison de s’arrêter au Pays basque et il n’y a pas besoin de gare nouvelle à Bayonne ou ailleurs, soit on privilégie la desserte des bassins d’emplois et des populations et on peut le faire avec le réseau existant. La grande vitesse est elle un instrument d’unification européenne qui nous traverse auquel cas on peut passer plus loin. Nous voulons nous des TER à grande vitesse et du frêt qui tissent du lien social sur les bassins de vie et d’emploi. Le TGV détruit du lien social.
Jusqu’où êtes vous prêt à aller dans votre opposition ?
Jusqu’au bout. C’est très clair. Nous pouvons perdre ce combat mais on peut très bien le gagner aussi. Ce qui est sûr c’est que nous le perdrons si nous ne le menons pas. Guillaume Pepy, le président de la SNCF, vient d’ailleurs de déclarer qu’il faut mieux avoir une ligne à grande vitesse de moins et un beau réseau existant modernisé. Nous gagnions chaque jour des soutiens.