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Voici un article de Marcel Guerret dans Le Réveil, journal du Tarn et Garonne. Cet ancien député PS pose là des questions d’un autre âge. Aujourd’hui la question, pour la SNCF, est de se mesurer à l’avion. Les erreurs d’hier, sont les mêmes qu’aujourd’hui ! Et elles ne sont pas seulement celles de la SNCF. Travailler à l’inter-modalité a toujours été en France, un oubli des forces politiques. JP Damaggio

 

Rail contre Route

 Je sais tout ce que l’on peut dire contre les gros transporteurs routiers et leur enrichissement parfois bien rapide au détriment apparent de la SNCF. Mais je pense tout net que les récentes mesures qui, à la demande de la SNCF vont mettre une somme de 36 milliards supplémentaires de charges sur le transport routier sont une injustice et une faute.

 C’est entendu la SNCF est en déficit d’exploitation – un déficit menaçant puisqu’il est actuellement de 50 milliards de francs. Mais ce déficit est-il seulement imputable à la concurrence de l’autobus et du gros camion, comme elle le prétend. Il serait puéril de le croire. La SNCF reconnaît elle-même que les conditions de son exploitation sont normales puisque ses dépenses sont au coefficient 20 en moyenne par rapport à l’avant-guerre alors que ses tarifs ne sont qu’au coefficient 12. Elle reconnaît par ailleurs qu’elle est astreinte à certaines obligations de par son statut économique et social qui aggravent considérablement ses charges par rapport à celles que supportent l’industrie et le commerce privés. Enfin elle reconnaît que même si, par impossible, du jour au lendemain, tout le transport routier venait à disparaître elle ne serait pas du tout sûre d’équilibrer ses dépenses et ses recettes. Et en effet le temps n’est pas si éloigné où le Parlement votait régulièrement chaque année, une importante subvention pour combler le déficit de l’exploitation des réseaux à une époque où les transports routiers n’existaient pratiquement pas…

 Alors pourquoi cette brutale offensive de la SNCF contre les transports routiers car c’est bien à la demande de la SNCF que les 36 milliards de charges nouvelles vont grever l’exploitation routière dans l’organisation prévue et en partie déjà réalisée destinée à coordonner le Rail et la Route ?

Il y a dans l’argumentation de la SNCF en vue de l’égalisation des charges respectives, plus de dépit que d’objectivité, dans l’étude comparée du rôle et des moyens des deux grands modes de transports. Que l’Etat impose les entrepreneurs routiers s’il est prouvé qu’ils s’enrichissent très vite, d’accord ! Mais qu’elle les frappe d’une taxe compensatrice pour aligner les tarifs routiers sur les tarifs plus élevés de la SNCF, c’est une erreur, car la SNCF n’en restera pas moins en déficit ; et une faute parce que de deux choses l’une : ou ce se seront les clients des transporteurs qui subiront cette charge ou bien ces mêmes clients diminueront leurs importations et leurs exportations. Il ne peut alors résulter de cette augmentation des tarifs routiers qu’une hausse du coût de la vie ou un ralentissement de la production industrielle et agricole, c’est-à-dire une asphyxie du commerce et de toute la vie économique. Car et c’est là l’essentiel de ce que je veux modestement dire dans ce grave débat : le magnifique développement de nos transports routiers est avant la lettre un élément – et l’un des plus importants – de notre redressement économique. Des régions entières lui doivent déjà une prospérité que les quelques voies ferrées prisonnières depuis cent ans dans leurs immuables trajets, auraient été incapables de leur donner. L’exemple le plus typique n’est-il pas tout près de nous en ce riche département de l’Aveyron qui se mourrait, il y a cinquante ans à peine ? Un plan tout empirique d’abord, puis de plus en plus net, couvre toutes nos campagnes. Un réseau d’une extrême densité stimule toutes les initiatives par des lignes de grande communication ou de correspondance ou de concentration. Toute une vie culturelle est en pleine puissance par les facilités extraordinaires que l’autobus offre maintenant aux citadins vers les campagnes ou aux campagnards vers les villes. Savez-vous par exemple combien d’excursions ont été faites par nos autobus Tarn-et-Garonnais entre le 1er juillet et le 30 septembre 1949 ? 348 tout simplement.

 Ce réseau a son existence propre coordonnée d’ailleurs d’elle-même avec celle du réseau ferroviaire. Il a ses gares, il aura demain un peu partout par ses propres moyens ses abris le long des routes qu’il sillonne.

Comment peut-on sérieusement penser à alourdir, à ralentir ce puissant mécanisme de résurrection nationale. L’excuse d’un Etat besogneux, ou d’une SNCF prisonnière de sa technique et de son monopole est-elle suffisante ? La hantise de la nationalisation a tout prix qui conduit à l’alignement sur le concurrent le plus couteux, va-t-elle l’emporter sur le bon sens ?

Je ne veux pas le croire.

Il faut chercher ailleurs que dans le relèvement des tarifs routiers la solution à la question que pose aujourd’hui le magnifique développement des transports routiers. Ce serait à désespérer de l’intelligence française si elle n’arrivait pas à la trouver. Marcel Guerret

 Nos lecteurs trouveront l’essentiel des pièces du procès Rail contre Route dans deux articles du Figaro l’un du 7 novembre 1949 sous la signature de M. Pierre Tissieer président du Conseil d’administration de la SNCF, l’autre, le 26 novembre, sous la signature de M. Georges Litalien, président de la Fédération nationale des transports routiers.

Tag(s) : #Histoire
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