En réponse à une lettre des Amis de la Terre du 19 mai 2015, Madame Thirriot a reçu la réponse ci-dessous rédigée le 22 juin 2015. En fait de réponse c’est une non réponse.
Le texte reprend pour l'essentiel, étape par étape, l’argumentation de la plaignante dont nous craignions qu’elle ne soit pas jugé « légitime et fondé ». Même si c'est un peu long, voici quelques réactions.
1 ) La rentabilité du TGV ? Pour Martin Malvy ce n’est pas la première question vu que la Région paie 140 millions d’euros pas an de comblement du déficit pour le développement du TER. Or la marge pour le TGV est de 10 à 12% ! Dans un tel chiffre nous ne savons jamais si c’est le TGV en général ou le TGV sur LGV. Rappelons que de Tours à Toulouse le TGV est sans LGV jusqu’à aujourd’hui, que le TGV Brive-Paris fait appel au financement des collectivités pour exister, etc. Comment une ligne totalement financée depuis longtemps comme la ligne POLT serait-elle plus difficilement «rentable» que des lignes nouvelles où il faut payer la facture ? Bref, la SNCF donne pour une fois une réponse simple au sujet de la rentabilité de la LGV Tours-Bordeaux : elle est catastrophique avec un déficit annoncé de 150 millions d’euros par an.
2 ) D’ailleurs la réponse ne dit rien du déficit abyssal de la SNCF. Mais Charles Marziani que nous avions rencontré à une proposition : il suffit que l’Etat comble le déficit. Bref que les contribuables paient.
3 ) Le projet pour faire comme partout en Europe car sans ça… le Grand Sud-Ouest serait tenu à l’écart de ce réseau grande vitesse ? Et Nice, Brest, Clermond-Ferrand ? Sans Toulouse-Bordeaux nous serions dans le désert ? Et la grande vitesse en Allemagne etc.
4 ) Une attaque contre les commissaires enquêteurs qui auraient exprimé une «appréciation personnelle» sur le désintérêt du monde économique. Les chambres consulaires et le CESER sont des organisations représentatives qui en effet, comme toutes les institutions, sont favorables à la LGV, mais il m’est arrivé d’entendre des responsables d’entreprise dire qu’il est plus important, pour leur activité, d’avoir des TER qui arrivent à l’heure et une baisse des embouteillages sur Toulouse qu’un Toulouse-Paris en 3 h 10 !
5 ) Sur les bus qui mettent 10 h (en fait entre 7 et 9 pour… la SNCF) ils démontrent que le critère majeur aujourd’hui pour se développer ce n’est pas la vitesse mais le prix. Et si c’est la vitesse alors l’avion (souvent moins cher que le TGV) est préféré. La philosophie LGV est prise en tenaille quand l’essentiel pour le rail c’est de penser au train du quotidien. Sauf que quand tout l’investissement porte sur la LGV, il produit la détérioration de ce trafic. Nous raisonnons de manière dialectique et non pas face à un absolu qui serait la LGV.
6 ) Un des points que les commissaires enquêteurs ont mal digéré c’est l’embrouille sur le fameux 3 h ! Il n’y aura pas 3 h ! A peine 3 h 10 ou même 3 h 15 pour un seul train ! Ce qui fait que comme pour le Bordeaux-Tours les élus doivent ensuite se battre pour que le train s’arrête ! Une question que les utilisateurs du rail sur le POLT connaissent bien !
7 ) M. Savary est mis en contradiction avec lui-même ? Mais lui, il tient compte de l’évolution car lui aussi ne parle pas dans l’absolu. Quand l’avion diminue ses prix car il vise une clientèle plus populaire, et quand le coût d’une LGV devient exponentiel, quand grâce à internet le co-voiturage se développe, non seulement le contexte change mais il est appelé à changer encore !
8 ) Sur la rénovation de la ligne existante, nous avons en enfin, grâce aux commissaires enquêteurs, le contenu des éléments de l’étude de RFF. Ils sont totalement malhonnêtes (j’use rarement cet adjectif) quand il propose par exemple un contournement de Moissac qui passe au cœur de la ville ! Une rénovation qui aurait un impact environnemental « au moins aussi important qu’une ligne nouvelle » ! A qui faire croire une telle aberration ? Toujours pareil, si on fait un contournement de Moissac en pleine ville, alors la destruction de maisons devient phénoménale….
9 ) Et enfin le POLT dont les autorités préconisent en parole « le maintien et le développement » quand l’EUP confirme qu’elle sera coupée en trois tronçons : le nord de la ligne passant par Vierzon, le centre par Poitiers avec la LGV Limoges-Poitiers, et le sud par Bordeaux. Là aussi les commissaires enquêteurs ont été sensibles à nos arguments. Ce qui ne signifie pas que sans la LGV Bordeaux-Toulouse le POLT puisse espérer être sauvéd puisque la com commence pour dire : en 2017, Toulouse-Paris avec la LGV Bordeaux-Tours en 4 h et quelques minutes !
Il s’agit là de ma propre réaction ; d’autres pourraient répondre autrement.
Jean-Paul Damaggio
Martin Malvy à
Madame Pierrette THIRRIOT
LES AMIS DE LA TERRE DE MIDI PYRENEES
36 rue Bernard Mulé
31400 TOULOUSE
Madame,
Vous avez bien voulu attirer une nouvelle fois mon attention sur votre opposition au projet de ligne à grande vitesse entre Toulouse et Bordeaux et sur l'avis négatif de la commission d'enquête publique à ce sujet.
J'ai bien entendu pris acte de cet avis, sans toutefois le partager.
Ce projet, comme tout grand projet d'une telle envergure, suscite des inquiétudes, voire des oppositions, normales et respectables, et qui doivent être respectées dès lors qu'elles s'appuient sur des arguments légitimes et fondés.
Vous indiquez tout d'abord que le TGV ne serait pas rentable. Or à ma connaissance, la SNCF affiche une marge opérationnelle - enviable - comprise entre 10% et 12% sur cette activité. Si la pertinence d'un projet ou d'un service d'intérêt public ne devait s'apprécier qu'à l'aune de sa rentabilité économique, quel avenir faudrait-il réserver aux politiques volontaristes menées par les Régions pour développer le TER, qui pour le seul territoire de Midi-Pyrénées représente un déficit de 140 millions d'euros par an pris en charge par la Région ?
Vous contestez par ailleurs l'utilité de ce projet pour l'attractivité de notre territoire, au motif que « Toulouse est, sans TGV, dans une situation florissante ». L'utilité de ce projet ne se poserait en effet pas si les autres territoires français et européens n'étaient pas, ou ne devaient pas être prochainement, reliés au réseau à grande vitesse, ce qui ne sera pas le cas. Qu'en serait-il demain si Toulouse, Midi-Pyrénées et le Grand-SudOuest devaient rester les seuls territoires tenus à l'écart de ce réseau ?
Sur ce point, le désintérêt du monde économique évoqué par le commissaire enquêteur relève de l'appréciation personnelle qu'il était invité à exprimer dans ce cadre, et que ne partagent pas l'ensemble des organisations représentatives des acteurs socio-économiques de Midi-Pyrénées - chambres consulaires et CESER notamment — qui se sont officiellement exprimés en faveur de ce projet.
Vous évoquez également la concurrence du transport par autocar et par liaison aérienne.
S'agissant du développement de dessertes « Low Cost » par autocar, peut-on sérieusement considérer qu'un mode de transport mettant Toulouse à 10h au mieux de Paris participe du même objectif et puisse constituer une alternative crédible ?
S'agissant de la concurrence du transport aérien, l'un des enjeux de ce projet est justement de permettre d'atteindre ce seuil de 3h00 entre Toulouse et Paris, décisif pour opérer un report modal efficace de l'aérien vers le ferroviaire.
Alors que la liaison Toulouse-Paris représente 73% du trafic domestique de l'aéroport de Toulouse-Blagnac, et que son développement pourrait relancer la question d'un deuxième aéroport, cela me semble être un enjeu majeur ainsi que Monsieur Gilles SAVARY a pu l'indiquer à de nombreuses reprises lorsqu'il était l'un des plus ardents défenseurs de la LGV entre Tours et Bordeaux.
Vous relevez ensuite que la rénovation de la ligne existante est le « seul avenir décent à proposer pour améliorer la rapidité entre Bordeaux et Toulouse ».
Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le rappeler dans mon précédent courrier du 28 février 2014, les études menées par RFF en 2006 et en 2010 indiquent que les aménagements de la ligne existante nécessaires impliqueraient la construction de plusieurs tronçons de lignes nouvelles, avec la réalisation de contournements urbains et de suppression de passages à niveau en milieu urbain, qui auraient un impact environnemental au moins aussi important qu'une ligne nouvelle, pour un coût estimé entre 1,5 et 4 milliards d'euros, et une vitesse limitée à 220 km/h ne permettant d'envisager que des gains de temps marginaux.
Enfin, vous mettez en exergue la menace que pourrait faire peser cette LGV sur la pérennité des dessertes Intercités sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. La Région a en effet toujours défendu la nécessité de ne pas opposer ces deux lignes qui répondent à des besoins différents et complémentaires de dessertes de notre territoire. Je me félicite d'ailleurs que le rapport remis récemment au gouvernement par la mission sur l'avenir des Trains d'Equilibre du territoire présidée par Monsieur Philippe DURON, député, en préconise le maintien et le développement.
Loin de me laisser bercer par un « enthousiasme momentanément inquiet », l'efficacité du report modal de l'aérien et de la route vers le train, l'impact environnemental, et le souci de veiller à l'efficience de chaque euro utilisé sont autant d'enjeux qui m'amènent à privilégier la décision apportant la meilleure plus-value au territoire et à ses habitants, qui doivent disposer, pour se développer, d'infrastructures adaptées aux nouveaux usages de la mobilité.
Je vous prie de croire, Madame, à l'assurance de mes sentiments distingués.