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Sur l'opposition à Montpellier-Perpignan
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Chaque projet de LGV a ses caractéristiques propres et ses points communs. Pour Montpellier-Béziers il y a le fait incontestable que la ligne actuelle passe dans une zone inondable s'il y a montée de la mer. En même temps et preuve que Perpignan n'est pas isolé, cette ligne existe et fonctionne bien pour le moment. C'est sûr, entre deux LGV Madrid-Perpignan et Montpellier-Paris, l'absence de ce barreau est étrange. Il tient à l'opposition historique à toute LGV de Georges Frèches. Et même sans ce barreau le rail fonctionne bien. Bref, l'opposition porte surtout sur le tracé et voici un reportage de Reporterre qui en fait le portrait. 

Poussan, au bord de l’étang de Thau.

Le soleil scintille sur les eaux tranquilles de l’étang de Thau. Au sud, la ville de Sète se déploie sur les pentes du mont Saint-Clair. Au nord, des collines parsemées de chênes verts résonnent du chant des cigales. « C’est là qu’ils veulent faire passer les trains, sur un viaduc d’au moins 21 mètres de haut, l’équivalent d’un immeuble de sept étages », tempête Pierre Miraillès, membre du collectif Alerte TGV Thau (ALT).

À ses côtés, son camarade Didier Navaro opine : « Ça va être monstrueux. » La cause de leur tourment tient en quatre lettres : LNMP, pour Ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Un serpent de mer vieux de plus de trente ans qui prévoit de relier en 2040 les deux cités languedociennes par 150 km de voie ferrée à grande vitesse. Deux nouvelles gares, 2 650 ha artificialisés, le tout pour 6,12 milliards d’euros d’argent public — quatorze fois le coût de l’A69. Un projet pharaonique, « indispensable pour désenclaver nos territoires » selon la présidente PS d’Occitanie, Carole Delga… Mais qui fait débat. 

« Cette ligne ne servira à rien pour les habitants du coin »

Sur les rives de la lagune, la LGV a en effet un goût amer : artificialisation de zones naturelles, défrichement, risques de pollution des nappes, bruit, ouverture de carrières le long du tracé… « On va avoir le maximum de nuisances alors que cette ligne ne servira à rien pour les habitants du coin », dit Pierre Miraillès, dont le collectif a été créé en 2019 contre ce projet. Et pour cause : la future voie ferrée traversera le bassin de Thau, sans s’y arrêter — seules les gares de Montpellier Sud de France et de Béziers seront desservies. « Pour nous, ça veut dire, à terme, 80 % de TGV en moins en gare de Sète, donc moins de trains du quotidien, poursuit-il. Ça signifie un réenclavement de tout le territoire. » Et ce d’autant plus que la ligne actuelle, qui sillonne entre les étangs, est condamnée par la montée des eaux.

Des arguments réfutés par l’État et la région Occitanie, qui se sont engagées à «garantir la desserte ferroviaire des gares non desservies » par la LNMP. Par écrit, SNCF Réseaux a également réaffirmé que « le maintien de la ligne existante est indispensable au territoire et sa résilience au changement climatique est un enjeu majeur ». Pas de quoi rassurer certains habitants et élus locaux. La ville de Sète a ainsi suspendu sa participation de 840 000 euros au financement du projet.

Des oiseaux rares sur le trajet

Plus au sud, dans l’Aude, la ligne ferroviaire devrait traverser la zone Natura 2000 des Basses Corbières. Avec des effets « majeurs » sur certains oiseaux rares, dit Joseph Garrigue, du Groupe ornithologique du Roussillon : le traquet oreillard avec son masque noir, et le cochevis de thekla à la huppe élégante nichent dans ce piémont aride, de même que plusieurs rapaces comme le vautour fauve et le circaète Jean-le-Blanc.  « Couper les Corbières en deux, c’est difficilement acceptable », affirme Joseph Garrigue, qui rappelle les effets dramatiques de la LGV entre Nîmes et Montpellier sur un autre oiseau, l’outarde canepetière. Des scientifiques ont récemment révélé « un déclin significatif » de la densité des femelles suite au chantier, avec une chute de la capacité de reproduction de l’ordre de 57,8 %. « Veillons à ne pas refaire les mêmes erreurs », dit l’ornithologue. D’autres tracés dans l’Aude sont à l’étude, mais posent des problèmes de coût et de faisabilité.

Tout ça, « pour gagner trente-neuf minutes » sur le trajet Montpellier-Perpignan, dénoncent les opposants : « Il est complètement absurde de vouloir aller toujours plus vite et de détruire des territoires pour ça », estime ainsi la Coopérative intégrale du Bassin de Thau, une organisation autogérée située dans le pays sétois.

160 000 trajets Paris-New-York évités ?

SNCF Réseaux, tout comme la région Occitanie, mettent en avant les multiples bénéfices attendus. En particulier, les « 160 000 tonnes équivalent CO2 évitées chaque année, soit l’équivalent de 160 000 trajets Paris-New-York », grâce au report des automobilistes vers le train. Et grâce au fret, les promoteurs espèrent réduire de 20 000 le nombre de camions sur les routes. Sauf qu’en 2016, le gouvernement socialiste a acté que la ligne n’accueillerait pas de fret sur sa portion Béziers-Rivesaltes — soit plus de la moitié du tracé. Une « hérésie », d’après Simon Popy, de France Nature Environnement Occitanie, joint par téléphone.

Dès 2019, il alertait sur ce choix purement économique — une ligne mixte fret-TGV coûte beaucoup plus cher qu’une simple LGV — qui « [reléguerait] le fret sur la ligne actuelle, dite “ligne des étangs”, qui traverse les lagunes en bord de mer et est menacée de submersion marine ».

Son inquiétude — partagée par de nombreux acteurs, dont la présidente de la Région qui s’est dite très attachée au fret, selon son service communication — a obligé SNCF Réseaux à rouvrir le dossier de la portion Béziers-Perpignan. Avec l’espoir d’une révision du projet.

« La mixité, le nombre et la position des gares nouvelles, les différents tracés techniques sont autant de sujets aujourd’hui “à l’étude” », nous confirme le maître d’ouvrage par courriel. De nouvelles concertations sont ainsi attendues en 2026 afin de débattre des différentes pistes. « Nous sommes favorables à la ligne, mais pas à n’importe quelles conditions », résume Simon Popy. L’association a listé ses lignes rouges : non à deux nouvelles gares — qui se révèlent trop souvent excentrées sans connexion avec les centres-villes — et oui à un tunnel à travers les Corbières pour « préserver les écosystèmes » et permettre le fret.

Autre préoccupation, et non des moindres : les compensations. D’après le dossier de l’Autorité environnementale, le projet induira « une dette compensatoire évaluée à 6 030 ha ». En clair, pour contrebalancer les destructions engendrées par la LGV, il faudrait restaurer et recréer l’équivalent de la surface de Montpellier en prairies, garrigues, forêts et zones humides.

« L’A69, à côté, c’est rien »

Mais comment trouver ces milliers d’hectares dans un territoire déjà très urbanisé et soumis à la pression immobilière ? SNCF Réseaux assure avoir anticipé le défi afin de « sécuriser les terrains nécessaires » à proximité du tracé. Simon Popy attend encore de voir : « C’est un des projets d’aménagement avec le plus d’impacts écologiques, dit-il. L’A69, à côté, c’est rien. » 

À Poussan, installés à l’ombre de platanes centenaires qui pourraient être coupés, Didier Navaro et Pierre Miraillès refusent d’endosser le rôle des « rabats-joie anti-tout » : « Nous aussi on veut des trains, mais qui répondent réellement aux besoins du territoire. » Malgré l’avancée apparemment inexorable du chantier, les deux retraités croient encore à leur possible victoire : « C’est sûr, on a l’impression d’un rouleau compresseur, et il y a beaucoup de résignation chez les habitants, disent-ils. Mais il n’est jamais trop tard, tout est question de volonté politique.»

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